Dans la tête de Céline Lazorthes, co-fondatrice et CEO de Résilience

Liberté – égalité – sororité, voici le thème de notre septième épisode.

Nous avons eu la chance de recevoir Céline Lazorthes, co-fondatrice et co-CEO de Résilience, une application au service des patients et des soignants en oncologie.

Publié le 05 octobre 2022 à 08h42

 

Liberté – égalité – sororité, voici le thème de notre septième épisode. 

Nous avons eu la chance de recevoir Céline Lazorthes, co-fondatrice et co-CEO de Résilience, une application au service des patients et des soignants en oncologie. 

Comment cela fonctionne-t-il ? Un patient en cours de chimio thérapie, par exemple, est invité à rentrer ses PROs (patient report outcomes) sur l’application. L’IA de Résilience va ainsi traiter les données pour remonter de potentiels alertes auprès des professionnels de santé compétents. On parle ici de télésurveillance thérapeutique. Cela permet un meilleur suivi du patient, une meilleure détection du risque de complication et/ou de rechute, une diminution du nombre de jours d’hospitalisation et ainsi une meilleure qualité de vie pour le patient, tout en déchargeant la masse de travail administratif pour les oncologues. 

Céline est résolument libre, et ce depuis toujours. Elle entreprend dès sa sortie de l’école. Dans son quotidien, elle met en œuvre tout ce qu’elle peut pour que la parité devienne une réalité dans notre société. 

Si elle devait choisir une devise pour la guider, ce serait effectivement liberté – égalité – sororité. 

Serial entrepreneur, elle est menée par son instinct et ne quitte jamais des yeux son objectif, tant qu’il n’est pas dépassé.  Au cours de ce podcast, Vincent Puren interroge Céline à propos de son parcours, de sa famille, de ses choix, et également des difficultés rencontrées. Un échange inspirant qui nous donne un bel aperçu de la vision entrepreneuriale et engagée de Céline Lazorthes. 

Rendez-vous à la fon de cet article pour trouver les liens d'écoute et de visionnage.

I – Leetchi, l’aventure de solo-founder 

En 2008, en pleine crise financière, Céline est diplômée et, comme tous les jeunes de cet âge, doit choisir son parcours de vie. 

C’est vers l’entreprenariat qu’elle décide de se tourner.  

Issue d’un parcours scolaire plutôt tech, elle a toujours été attirée par le digital ; Internet «  ce monde où tout est possible ». En parallèle, Céline a toujours travaillé lorsqu’elle le pouvait. Indépendante, elle a très vite réalisé que c’est par les connaissances et l’expertise qu’elle pourra avancer comme elle le souhaite. 

En novembre 2009, un an après l’option de son diplôme, Céline lance ‘Leetchi’ une entreprise qui édite le célèbre site Internet de cagnotte en ligne leetchi.com, l'outil de transfert d'argent par courriel Leetchi Cash une solution de paiement sur Internet pour les acteurs de l’économie collaborative, prémices du crowdfunding. C’est notamment grâce à une subvention d’OSEO (ancètre de Bpifrance), de 20 000€, que le projet prend vie. Elle nous confiera que ce sont également ses cours de master qui lui ont permis d’avoir de bonnes bases en gestion, ressources humaines, finance, etc…  

Rapidement, l’entreprise gagne en notoriété et en légitimité, ce qui n’est pas sans difficultés pour Céline, seule fondatrice de cette entreprise. 

Elle est cependant rejointe 2 ans plus tard, par son ami d’enfance, Romain Mazeries, qui sera un vrai soutien et allié stratégique de Céline, mais qui pour autant n’arrivera pas à effacer ce sentiment de solitude et cette charge mentale, inhérente au métier d’entrepreneur et chef d’entreprise. 

Pour autant, l’entreprise prospère et en 2013, les deux associés décident de créer MangoPay, qui devient l’activité BtoB de la startup, activité toujours dirigée par Romain, à ce jour. C’est dans cette dynamique qu’en 2014, Leetchi devient officiellement rentable financièrement. 

En 2015, Céline et Romain se lancent à la recherche d’un partenaire pour accélérer, grandir à l’international et se renforcer davantage sur le territoire national. 

Finalement, c’est auprès du Crédit Mutuel Arkéa que les deux associés se tournent, non pas pour un partenariat, mais un rachat. 1er partenaire bancaire de Leetchi et très investi dans le numérique à cette période, cette décision paraît être la plus viable et censée. 

Céline reste opérationnelle dans l’entreprise, jusqu’en 2019, année de naissance de son premier enfant ‘j’ai laissé un bébé pour en accueillir un autre’ nous confie-t-elle. Puis, elle prendra un siège au conseil d’administration cette même année et s’en ira vers de nouvelles aventures. 

2019 marque un vrai tournant pour Céline. Un besoin de souffler, de se concentrer sur elle-même, de ré apprendre, de s’inspirer à nouveau des autres. Une impression d’être vidée et de ne plus avoir de choses à raconter lui fait se retirer des programmes de conférences et autres prises de parole habituelles. C’est à cette période qu’elle se dit qu’elle n’entreprendra plus jamais. 

II- Engagement, dépassement de soi et changement  

Issue d’une famille plutôt aisée et ayant toujours été très bien entourée, Céline nous confie n’avoir jamais ressentie être victime d’inégalité dans sa jeunesse. 

C’est lorsqu’elle quitte ses fonctions chez Leetchi, à l’occasion de son pot de départ, qu’une remarque sur son âge et son rapport à la maternité lui font prendre conscience qu’en réalité, en tant que femme, en tant que femme entrepreneure, elle est confrontée fréquemment à des inégalités. 

Elle se souvient même de certaines de ses réactions, qu’elle n’aurait pas eu si elle était un homme, lors du rachat de son entreprise par exemple. Puis, elle réalise au travers de recherches, de discussions, de lectures, que la société est responsable de ces inégalités. Ce ne sont pas les hommes qui sont opposés aux femmes, mais la société qui, dès le plus jeune âge développe des biais dans l’esprit collectif. Céline nous raconte qu’elle a souvent été son propre frein, dans ses relations professionnelles, lorsqu’il s’agissait de négocier, de demander, mais aussi dans ses projets personnels. 

Elle nous parle d’ambition. Une valeur assez peu valorisée en France et en particulier chez les femmes nous dit-elle, une femme ambitieuse sera souvent jugée, incomprise.  

Forte de ce constat et profondément engagée depuis toujours, Céline décide de lancer ‘SISTA’ un collectif qui vise à réduire les inégalités de financement entre femmes et hommes entrepreneurs. 

‘Plus je suis féministe et plus je le deviens’ nous confie-t-elle. Mais comment ne pas l’être, nous demande Céline, lorsque l’on sait que 2,6% de l’argent du capital risque allait à des équipes féminines, 10% à des équipes mixtes et le reste aux équipes masculines, en 2019. C’est sur cette base que la tribune « Compter les femmes pour que les femmes comptent » a été publiée, pour faire réagir, mettre un coup de pieds dans la fourmilière. 

Parallèlement, Céline a décidé de se recentrer sur elle, sa famille, son enfant. Seulement, une semaine après son accouchement, alitée et exténuée, son conjoint doit reprendre le travail. Un électrochoc pour Céline, qui écrit à ses proches tant elle trouve cela injuste pour son conjoint, qui loupe des moments de vie essentiels à créer du lien avec l’enfant, mais également pour elle, qui se retrouve seule, fatiguée face à cette nouvelle aventure ‘la plus belle, mais la plus difficile de toute sa vie’. 

Alors, en janvier 2020, Céline, Isabelle Rabier et Thibault Lanthier lancent ensemble ‘le Parental act’. Un dispositif inédit qui demande aux entreprises de s’engager à rémunérer le 2 parents à 100% pendant 1 mois de congé parental. 

C’est par la voie citoyenne, la plus parlante selon Céline, que ce dispositif à vu le jour. A l’été 2020, plus de 100 entreprises avaient adhéré. 400 entreprises adhérentes plus tard, les 3 associés sont contactés par l’Elysées, qui les remercie et les félicite d’avoir créée un dispositif comme celui-ci en indiquant qu’eux-mêmes n’auraient pas pu faire mieux. 

Une réalisation dont Céline est très fière, mais qui n’est pas encore suffisante selon elle. Pour elle, l’objectif sera rempli quand les deux parents pourront obtenir 4 mois de congés. Selon elle, c’est par ce biais que les inégalités entre les hommes et les femmes pourront être réduites drastiquement. En effet, les entreprises ont évidemment intérêt à engager une personne qui s’apprête à rester sur le long terme, mais si les deux parents peuvent avoir droits au congé à ce moment de vie, alors la discrimination à l’embauche sera moins présente. 

Sur tous les fronts, Céline ajoute à cette période des investissements en tant que business angel. Un bon moyen de donner, à son tour, un coup de pouce aux entrepreneurs qui en ont besoin. 

Seulement, en été 2020, tout l’écosystème est bouleversé par la pandémie de COVID19.  

C’est à ce moment précis que la santé reprend une place importante dans la vie de Céline, sans même que cette dernière s’en rende compte. 

III – Résilience 

Tout est parti, d’un groupe WhatsApp, un dimanche après-midi. Thomas Clozel, Co-fondateur et CEO de Owkin, écrit à Céline et d’autres entrepreneurs, dont Jonathan Benhamou, fondateur de PeopleDoc, afin de venir en aide aux hôpitaux en leur livrant du matériel notamment. 

C’est comme cela que le mouvement ‘protège ton soignant’ est né. 

Une aventure ‘dingue’ nous confie Céline. En 5 mois seulement, ce sont plus de 7,4 millions d’euros collectés, une aide apportée à plus de 400 établissements hospitaliers, en France métropolitaine mais aussi en Corse et à Mayotte. Ce sont des heures d’échange avec des fournisseurs en Corée du sud, des membres de l’APHP et même Elon Musk.  

Pour Céline, cette expérience a été certes exténuante et surprenante, mais elle a avant tout été magnifique, pleine de sens. Un groupe d’entrepreneurs, sans lien apparent qui collaborent, à distance, pour s’engager dans une aventure bénévole et des centaines d’acteurs qui y contribuent, par des chèques en blancs par exemple, alors même que la structure n’avait pas de réel statut juridique. Une preuve qu’avec l’envie, un besoin, un objectif, tout est possible. 

Contre toute attente, après la fatigue et le temps investi, ce n’est pas l’envie de se reposer qui a envahi Céline, mais l’envie d’entreprendre à nouveau. 

Et cette fois-ci, c’était la santé ou rien, avec Jonathan Benhamou ou pas du tout. 

Issue d’une famille de médecins, Céline a toujours baigné dans ce secteur. Elle nous raconte même avoir eu envie de se lancer dans des études de médecine à l’âge de 36 ans, mais il était malheureusement un an trop tard pour elle, les programmes étant accessibles jusqu’à 35 ans. 

Alors quand Thomas Clozel parle oncologie avec Céline et Jonathan, qu’ils prennent conscience que le cancer est la 1ère cause de mortalité dans les pays occidentaux, qu’il faudrait 120 consultations par jour à chaque oncologue de France, pour voir chaque patient une fois par trimestre ; les deux entrepreneurs n’hésitent pas longtemps avant d’accepter le challenge et se lancer dans une toute nouvelle aventure : Résilience. 

Ils entrent en contact avec l’Institut Gustave Roussy, Institut ayant mis au point et démocratisé la génétique en cancérologie, et notamment avec le Professeur Fabrice André. 

Persuadés qu’ils repartiront bredouille, pas pris au sérieux, c’est une des plus grandes surprises qui les attend lors de ce rendez-vous. 4h00 d’échanges plus tard, ils ressortent avec une promesse de travailler ensemble, main dans la main, pour ‘inventer les métiers de demain’. 

Céline nous parle de cette association avec beaucoup de reconnaissance. C’est un moyen inouï de bénéficier de connaissances hors du commun, d’une vision médicale avertie et ainsi d’une véritable acculturation pour ses équipes et elle-même. 

Cela leur a notamment permis de reprendre la co-propriété d’une étude qui avait été portée par l’institut, autour de la télésurveillance thérapeutique, l’étude CAPRI, qui avait notamment démontré les bénéfices de la télé surveillance  

Vincent interroge ensuite Céline sur la rapidité avec laquelle Jonathan et elle, sont allés en levant des levées de fonds, 47 millions d’euros au total et en débutant rapidement des acquisitions.  

Céline nous répond qu’ils avaient un objectif précis : mieux soigner les patients.  

Pour mieux les soigner, il fallait prendre en compte le contexte global (ici autour de l’oncologie) qui devient une pathologie chronique, avec des traitements lourds et parallèlement, le nombre de praticiens n’est pas en augmentation. Il fallait donc obtenir une réelle expertise pour changer les choses et créer une innovation à la hauteur des attentes. En effet, la télésurveillance est un dispositif médical. Pour devenir dispositif médical, cela demande de l’investissement, financier, humain, matériel. L’acquisition d’un acteur fiable, bien implanté, semblait être la meilleure option. 

S’il y a bien quelque chose que Céline retient de ses différentes expériences, c’est qu’il faut oser, foncer, croire en soi, apprendre, construire. C’est d’ailleurs ce que Jonathan et Céline ont appliqué dans leur vie professionnelle en décidant de s’attaquer à l’international, mais également dans leur vie personnelle, en trouvant un équilibre pro/perso. 

Un point longtemps sensible pour Céline, qui avait beaucoup du mal à joindre les deux. Cependant, dès le début de son association avec Jonathan, il n’était pas question pour ce dernier de mettre sa vie personnelle de côté. Ils ont alors travaillé ensemble à créer cet équilibre qui est vital pour Céline aujourd’hui. Plus d’organisation, un petit peu d’abnégation, mais tout cela est possible nous raconte Céline. 

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A travers cet épisode, nous avons pu découvrir quelques rouages de la vie d’une entrepreneure.  

Céline nous a confié qu’elle avait grandi avec l’idée que ‘son destin est plus grand s'il est au service des autres’. Nous pouvons dire que par son rôle d’entrepreneure, mais aussi de femme engagée, Céline n’a pas perdu de vue ce mantra. 

D’ailleurs, chez Résilience, les projets sont encore nombreux :  pour développer de nouveaux programmes pour accompagner physiquement et psychologiquement les patients, personnaliser davantage les services et développer de nouveaux projets de recherche avec des centres en France et à l’international. 

Parallèlement, Céline ne compte pas s’arrêter de veiller sur l’égalité hommes / femme à travers Sista notamment et aussi ses investissements. 

Cet échange nous prouve que l’entreprenariat ne consiste pas seulement à monter une entreprise, mais d’oser créer un projet et y croire. Cela nous fait également prendre conscience que la vie d’entrepreneur ne se résume pas uniquement à la réussite, au contraire, ‘je n’ai fait que me planter’ nous confie Céline,’ et quelques fois, j’ai réussi et j’ai osé’. De quoi nous rassurer, tous les parcours ne sont pas sans embuches, mais cela n’empêche pas la réussite. 

Nous espérons que cet échange vous aura inspiré autant que nous. Pour écouter le podcast dans sa totalité, c’est ici. Pour le visionner, rendez-vous ici.