Dans la tête d'Adel Mebarki, Directeur Général et co-fondateur de Kap Code

A l’occasion du 10ème et dernier épisode de la saison 1 de What Health, nous avons eu le plaisir d’accueillir Adel Mebarki, cofondateur et directeur général de Kap Code. Adel est également bien connu chez Future4care, puisque Kap Code fait partie de la première promotion de startups accélérées. Outre son statut de membre, son implication et sa présence au quotidien ont fait de lui un personnage qui compte au sein de l’écosystème.

Au micro de Vincent, Adel nous a raconté son parcours et sa vision d’entrepreneur, mais nous a également parlé de sa passion pour la transmission et le contact, de fake news, ainsi que de rêve américain.
Portrait sans fioritures d’un entrepreneur humble et passionné.

Publié le 17 janvier 2023 à 03h32

 

Du souhait de s’orienter vers l’intérêt général au succès de Kap Code  

Après des études d’ingénieur et un passage en école de commerce avec une spécialisation en management de l’innovation, Adel commence sa carrière chez Gemalto pour travailler au sein des équipes R&D sur le développement de la 4G. C’est sa soif de sens et sa volonté d’avoir de l’impact qui le pousse à aller vers des sujets d’intérêts généraux, et donc de bifurquer chez Kapa Santé pour s’occuper de la mise sur le marché d’un outil d’analyse des réseaux sociaux pour la santé publique. De cette première structure naîtra Kap Code, avec la proposition de valeur qu’on lui connait aujourd’hui. 

Si sa mère aime expliquer que son fils est inventeur, Adel nous raconte ainsi l’ambition qu’il porte à travers Kap Code : porter la voix du patient en regardant et en analysant les messages des patients au quotidien et en délivrant des résumés aux autorités de santé. Pour la première fois, les réseaux sociaux sont utilisés comme une source d’information médicale et dépassent les usages plus répandus du brand monitoring.  

Fondée en 2017, la startup repose sur un socle technologique robuste, tout en étant composée d’une forte dimension médicale et scientifique. La raison d’être de Kap code est simple : cela peut paraître surprenant, mais il y a en moyenne entre 9 et 12 mois d’attente entre deux rendez-vous chez un spécialiste de santé. Durant ce laps de temps, le patient communique sur les réseaux sociaux, raconte son ressenti, s’exprime son état physique et mental. A l’heure où 1/3 de la population française s’exprime sur les réseaux sociaux et où les communautés de patients sont de plus en plus actives, Kap Code récupère cette donnée publique et l’analyse pour convertir le langage usuel en ontologie médicale. Par exemple, là où un patient se plaindra d’avoir “la tête dans le four” Kap Code traduira son propos par des céphalées.  

Une analyse du parcours de vie très précieuse pour les acteurs de la santé tels que les laboratoires pharmaceutiques, les autorités de santé, ou encore les associations de patients. Les résultats fournis par Kap code sur la base du screen de plus d’1,5 millions de données, toutes langues confondues, a notamment pour objectif d’aider dans la prise de décision. 

“Nous traitons de la donnée publique et donc cela représente des enjeux éthiques très forts, bien plus que la dimension réglementaire. La question à laquelle nous devons toujours être en mesure de répondre est : quelle est la finalité de notre traitement de données, pourquoi avons-nous fait cette analyse ? Nous voulons porter la voix du patient pour avoir un impact sur la santé publique” explique Adel. 

 

Les fake news, ou comment une rumeur abstraite peut avoir un impact médical concret  

A notre époque, on ne peut pas penser aux réseaux sociaux sans prendre en compte la dimension des fake news. En 2019 déjà, 30% des Français reconnaissaient avoir déjà relayé une infox. Et tout le potentiel nocif et corrosif d’une fake news a été largement éprouvé en 2020 lorsque Covid-19 s’est propagé dans le Monde.  

Adel a décidé de faire de cette problématique moderne qu’est la désinformation un de ses sujets d’expertise. Il y a une dualité intéressante entre l’émotion irrationnelle qui est caractéristique des rumeurs et la rationalité de son métier et de la proposition de valeur de Kap Code.  “On veut avoir une vision pro-active vis-à-vis de la désinformation en mettant la science et l’épidémiologie appliquées au sujet de la fake news. Si tu vois la désinformation comme un sujet de communication de crise, c’est déjà trop tard : il faut voir l’information comme un virus”. En effet, il nous explique que les 3 composantes d’une fake news sont identiques à celles d’un virus : la contagiosité, la viralité, et la notion de propagation.  

Et face à cette menace de la propagation, il convient de réagir comme on traiterait un nouveau virus : “Pour ne pas subir une fake news, il faut apporter le rationnel de la science et l’épidémiologie à la situation. Cela nous permet de prendre une action corrective rapidement. Les gens qui sont exposés à une fausse info sont persuadés : il faut donc agir le plus tôt possible pour avoir la désinformation la plus faible possible, et ainsi limiter la contagion. Pour ce faire, on ne va pas qualifier l’information ni rentrer dans la dimension émotionnelle du vrai ou faux, on va regarder l’activité numérique autour d’une information et observer le schéma de propagation”.  

Lorsque le Covid survient en 2020, soit 3 années d’existence pour Kap Code et met 80% des projets de l’entreprise à l’arrêt, Adel prend avec ses associées la décision de ne pas mettre l’équipe au chômage et de contribuer à leur niveau : via Epilogue, une initiative pro bono, ils proposent une cartographie de la myriade de données générées chaque jour à cette époque et l’analysent en faveur de la recherche et du bien commun. Une analyse qui a notamment permis de créer un algorithme de détection précoce des personnes à tendances suicidaires : “Cette émulation intellectuelle majeure nous a permis de monter un consortium avec 17 projets de recherche en partenariat avec des acteurs comme Microsoft et Harvard, et ce de manière extrêmement rapide” se souvient Adel. On y a mis toute notre énergie, ce qui nous a permis d’être financés par la Cohésion de l’Innovation en santé sur la prise en compte de l’expérience patient sur les réseaux sociaux. On a notamment pu apporter une vision sur l’impact du Covid, sur les délais de prise de rendez-vous, ou encore sur la prise en charge du patient”.  

 

Le collectif, facteur de réussite et d’épanouissement personnel  

Cette initiative pour le bien commun résume assez bien la philosophie d’Adel et sa vision d’entrepreneur. Kap Code est composée à ce jour de 20 personnes, dont trois grands types de profils (Data scientists et ingénieurs, équipe d’experts médicaux et fonctions transverses telles que marketing, communication et business.) Depuis sa création, l’entreprise peut se targuer d’avoir un très faible taux de turnover au sein des équipes.  

Lorsqu’interrogé sur son type de management, Adel explique sa philosophie qui tient en trois grands éléments : la proximité, la confiance et enfin le plus important : la notion de collectif. “Systématiquement, j’essaie de privilégier le collectif à la performance individuelle. Tu peux avoir les meilleurs du monde, si tu ne crées pas un esprit collectif, ça ne marchera pas”. Une stratégie axée sur l’humain et la compréhension d’autrui qui témoigne du caractère d’Adel, qui se décrit lui-même comme un véritable animal social.  

Son appétence pour les sujets qu’il ne maitrise pas, sa soif de connexion et sa capacité à générer du lien entre les gens sont autant d’atouts qui lui permettent de nourrir le passionné qu’il est. ”Ça vient de mon parcours : quand j’ai commencé en 2013, il n’y avait pas de mentoring, pas d’accélérateur, pas de retour d’expériences. Et je suis très fier d’avoir fait beaucoup d’erreurs car cela m’a appris énormément de choses. C’est pourquoi je veux dédier 20 et 30% de mon temps à l’année pour partager”.  

Mais toute l’énergie qui anime Adel au quotidien ne saurait être engloutie par sa seule carrière : l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, souvient si fragile lorsqu’on est entrepreneur, est essentielle pour celui qui se dit intransigeant sur le temps qu’il veut consacrer à sa famille. Tout est une question d’équilibre et de former une équipe avec son partenaire, et il n’a pas hésité à s’absenter plus d’un mois à la naissance de son deuxième enfant : “Il faut avoir l’humilité de se dire : je ne suis pas indispensable, et j’ai cette chance d’être entourée d’une équipe extrêmement performante sur laquelle je sais que je peux compter”. Le cercle privé est également une véritable source d’inspiration pour Adel, qui nous confie être extrêmement admiratif et inspiré par son entourage proche qui évolue dans le monde de la santé à des postes stratégiques :  “Mon cercle familial nourrit mon cercle professionnel”.  

 

Et demain : cap sur l’international  

Lorsqu’on lui demande quel serait son rêve le plus fou, Adel nous répond sans hésiter : que Kap code réussisse et puisse apporter sa valeur à l’international. Avec une portée globale par la nature de son activité, Kap Code commence déjà à s’exporter, avec près de 30% de son activité à l’international. Le passage crucial de startup à scale up est un levier de croissance important que l’entreprise vise très prochainement, notamment en se tournant vers le marché américain où de nouvelles juridictions en matière d’acceptabilité des données dans les prises de décisions sont en train d’être entérinées. Un projet qui est loin d’être incompatible pour Adel et sa famille, qui nous raconte être tombé amoureux de Boston lors de son dernier séjour.  

Alors que le monde continuera d’être bouleversé par les nouveaux usages du digital, des régulations en matière de données telles que l’AI Act Europe sont en train de se mettre en place. Un signal positif pour le secteur de la donnée médicale, qui traduit la volonté de la part des gouvernements de structurer cette filière. “Lorsque l’on regarde l’évolution de la recherche depuis le lancement de Kap Code, il y a 5 ans encore, on nous regardait comme un ovni. Désormais, on ne nous challenge plus sur la méthode, on ne nous demande plus de preuve de nos propos. On voit une évolution des pratiques” estime Adel avec enthousiasme.  

La philosophie d’Adel pour relever ces challenges ? La détermination et l’écoute. “Quand on me dit que c’est impossible, je m’acharne ! Quand on a lancé l’idée, tout le monde pensait que les patients disaient n’importe quoi sur les réseaux sociaux. Au final les choses bougent, même si ça a pris du temps. Je trouve que c’est une caractéristique des entrepreneurs : notre élément commun est la résilience, la capacité à ne jamais baisser les bras”.