Dans la tête de Thomas Serval, CEO de Baracoda

Aujourd’hui, pour ce cinquième épisode, nous recevons un serial entrepreneur dans la tech, qui a non seulement vendu sa première startup, mais qui l’a ensuite rachetée après avoir travaillé entre-temps chez plusieurs Big Tech.
Si vous ne le reconnaissez pas dans cette description, notre invité est Thomas Serval, co-fondateur et CEO de Baracoda.

Publié le 17 août 2022 à 10h41

 

Dans ce podcast, nous avons reçu des serial entrepreneurs, des entrepreneurs dans la santé qui ne venaient pas de la santé, des entrepreneurs qui avaient repris d’autres activités pour les faire grandir. Aujourd’hui, pour ce cinquième épisode, nous recevons un serial entrepreneur dans la tech, qui a non seulement vendu sa première startup, mais qui l’a ensuite rachetée après avoir travaillé entre-temps chez plusieurs Big Tech. 

Si vous ne le reconnaissez pas dans cette description, notre invité est Thomas Serval, co-fondateur et CEO de Baracoda. 

Baracoda ce fut d’abord l’invention du scan de code barre grâce au Bluetooth, au début des années 2000. Ce sont aujourd’hui des technologies pour augmenter les objets du quotidien, afin de permettre aux utilisateurs de prendre en main leur santé dans une démarche purement préventive. Pour ce faire, Baracoda vise une pièce de la maison : la salle de bain.  

En quelques chiffre, la société de Thomas, qui a rejoint la première promotion de Future4care, génère 20 millions de CA, est composée de 250 collaborateurs, engage 60 millions d’utilisateurs et a remportée des dizaines de prix remportés au célèbre CES de Las Vegas. 

A travers cette tribune, nous vous partageons quelques informations inspirantes et surprenantes sur l’état d’esprit et le parcours de Thomas Serval, pionnier et expert dans les domaines du machine learning et des objets connectés. 

Pour écouter le podcast dans sa totalité, rendez-vous sur Spotify. Vous souhaitez écouter et visionner en même temps ? rendez-vous sur notre chaîne YouTube. 

 

Code et bulle internet, un infini de possibilités qui se dessine. 

Pour nous raconter où il en est aujourd’hui, Thomas commence par nous parler de son enfance. 

Enfant des années 80/90, il nous confie qu’avoir un ordinateur à cette époque fut quelque chose de rare et de précieux. Heureusement pour lui, il a cette chance et il décide d’en tirer profit. C’est comme cela qu’il a acquis ses compétences informatiques, qu’il a créé ses premiers jeux, développé ses premiers logiciels et CRM, par plaisir, puis par le biais de stage. 

Il nous raconte qu’à cette époque-là, « le monde était à vous » si vous saviez coder. 

Plus tard, au début des années 2000, il termine son doctorat en économie d’internet. 

Au même moment, la bulle internet explose et génère un infini de nouvelles possibilités pour les entrepreneurs du numérique. Thomas nous confie que c’est dans les crises que naissent certaines des meilleures opportunités. En tout cas, pour ses associés, Olivier Giroud, Matthieu Delporte et pour lui même, nous pouvons considérer que cela a été le cas, puisque c’est à ce même moment que naît Baracoda. 

Déjà motivés par l’idée de créer un produit qui répond à un réel besoin, en se basant sur la technologie, les trois technophiles décident de professionnaliser le Bluetooth, en plein essor à cette époque, pour lui donner la capacité de se connecter à des lecteurs de code barre. Aujourd’hui, cela peut nous paraître complément obsolète, davantage à l’heure du COVID ou tout passe par QR code et notre appareil photo, mais à l’époque cela venait révolutionner l’accès aux sites internet notamment, puisque le protocole WAP1, disponible même sur les plus petits mobiles, ne fonctionnait pas comme escompté. 

C’est comme cela que Thomas et ses associés ont créé le leader mondial du lecteur de code-barre en bluetooth, Baracoda. 

Thomas devient petit à petit un référent et expert en technologies et numérique, ce qui lui vaut d’être convoité non seulement par le gouvernement, mais aussi par de grands acteurs que l’on appellera plus tard les GAFAM. 

 

Changement de plan  

Par son expérience, ses formations et son engagement, Thomas devient conseiller en souveraineté numérique du gouvernement de Jacques Chirac. 

Parallèlement, à l’aube du nouveau quinquennat, en 2007, il décide de se retirer de l’aventure de Baracoda et avec ses associés, ils prennent alors la décision de céder l’entreprise. 

Pour Thomas, ce sera ministre du numérique !  

Nicolas Sarkozy est fraichement élu, mais pas de ministre du numérique pour ce quinquennat, ce qui annihile totalement les plans de Thomas. Il est cependant très vite contacté par un chasseur de tête, sur les recommandations du PDG de Microsoft, Steve Ballmer.  

En 2008, il entre alors chez Microsoft en tant que Directeur innovation et plateforme et accède ainsi au comité exécutif du groupe. Deux ans qui seront extrêmement formateurs pour Thomas. Il découvre l’univers d’un grand groupe et notamment la difficulté pour un géant de travailler avec les plus petites structures. Jusqu’ici convaincu qu’il ne s’agissait que de volonté de la part des industriels, d’investir dans les startups ou scale-up, il prend conscience des difficultés que les différentes hiérarchies, process et dynamiques peuvent entrainer. 

Il réalise également que travailler au sein d’un grand groupe demande beaucoup d’efforts, notamment pour un entrepreneur qui a toujours agi comme il le voulait, en suivant son instinct et sa propre stratégie. Cependant, Thomas a conscience de la chance qu’il a eu d’être chez Microsoft à cette époque-ci malgré tout, puisqu’il a été au cœur même de la transformation digitale et technologique. Il fait partie des personnes qui ont influencé notre utilisation et compréhension du numérique aujourd’hui. 

Mais bien que conscient de sa chance, il sent encore une fois que la suite de sa carrière se trouve ailleurs. En 2010, il est à nouveau contacté par un chasseur de tête et cette fois-ci encore, pour un autre des GAFAM ... Google ! 

Avec beaucoup d’a priori sur l’entreprise et puis un soupçon de trahison envers Microsoft, il se rend aux entretiens sans attentes. Pourtant, Thomas nous parle de rencontres, de personnalités extraordinaires, de chance. Il nous raconte que son processus de recrutement a été une succession de rencontres qu’il n’oubliera jamais. Il nous confie d’ailleurs que c’est une des choses qui l’a profondément convaincu à rejoindre Google, car, d’après lui, peu importe la taille de l’entreprise, ce qui compte ce sont les gens, les personnes qui gravitent autour de vous et du projet. 

Il devient alors Directeur mobile, média et plateformes. Il nous parle de 3 années absolument extraordinaires. C’était comme une aventure entrepreneuriale, mais avec les moyens de Google. Il fallait créer une équipe à partir de 0. Il ne s’agissait pas simplement de recruter, mais de recruter les meilleurs au monde dans les domaines de l’intelligence artificielle et du machine learning. 

Deux milliards de gain en seulement 18 mois, lancement de YouTube dans 113 pays, intégration de Google X, organe chargé de transformer le monde en trouvant et développant les technologies les plus innovantes, une aventure complètement folle pour le technophile qu’est Thomas Serval. 

Trois années d’apprentissage, de développement de compétences, de rencontres inoubliables, mais pour autant, l’envie d’entreprendre n’a jamais quitté Thomas.  

En 2013, il se replonge dans l’univers des objets connectés et évoque son envie de développer cela à travers son poste actuel, chez Google, où il sait que les moyens seront à la hauteur des ambitions et qu’un univers de possible est ouvert devant lui. 

Cependant, on lui ferme la porte en lui rappelant que son rôle n’est pas là, que son périmètre s’arrête aux mobiles, médias et plateformes ; innover et créer, ne font pas partie de son rôle. 

Abandonner son idée ? Laisser les choses se faire ? Ce n’est pas du tout dans l’ADN de Thomas. Il décide alors de quitter le géant d’internet pour se relancer dans l’entreprenariat et pas de n’importe quelle façon, puisqu’il décide de racheter Baracoda, vendue 6 ans plus tôt. 

 

Baracoda, le grand retour 

Baracoda oui, mais différemment. C’est une toute nouvelle entreprise qui voit le jour cette année-là. Le nom, la marque étaient similaires, mais le concept lui avait mûri. 

En 6 mois, Olivier Giroud et Matthieu Delporte rejoigne à nouveau l’aventure, puis quelques anciens employés, eux aussi, reviennent. « Il y a plein de manière de dire à un entrepreneur qu’il a réussi, une d’elle, c’est quand les employés reviennent » nous confie Thomas.  

Expert en objets connectés, machine learning et cloud, Thomas voulait un concept fort, qui changerait la vie des gens. Lui et ses associés s’essayent à différents domaines, mais c’est finalement l’assurance et principalement l’assurance santé qui retiendra leur attention et qui viendra alimenter le projet. 

L’objectif ? développer un objet connecté, qui délivrerait aux utilisateurs des informations sur leur santé, leur bien-être, avant même qu’il ne s’inquiète d’un potentiel problème. En clair ? prévenir et non soigner.  

En revanche, les 3 associés étaient en phase sur une chose : ne pas développer de medical device. 

C’est alors qu’est venue l’idée de la brosse à dents connectée Kolibree. Un objet avec une interface ludique pour les enfants notamment et qui, à chaque brossage, prélève des données (durée, nombre de brossages, …) pour toujours améliorer la santé de son utilisateur. 

En France, la ligne dentaire représente 12 milliards d’euros. La brosse à dents est un produit à la limite entre la régulation et l'absence de régulation. Elle est utilisée de tous quotidiennement et pour autant n’est pas un medical device, ne demande pas de marquage CE. Pourtant, utilisée correctement, elle peut prévenir jusqu’à 40% des maladies les plus connues dans le domaine dentaire, dont celle que nous connaissons tous : la carie. 

L’idée n’a pas mis longtemps avant d’être un réel projet, fiable et viable. Les 3 associés et leurs équipes ont alors commencé la stratégie de développement. Parmi tout le processus, Thomas revient sur deux étapes clefs. 

  • Le product market-fit : 1000 brosses à dents mises dans les mains d’utilisateurs, en récoltant leurs retours. (Améliorer ou faire évoluer les jeux pour les enfants, problèmes de connexion, …) dans le but de créer un produit qui collerait complètement aux besoins de ces derniers. 

  • L’alliance avec un industriel : Colgate. 

En 2015, lorsque Baracoda annonce le lancement de la première brosse à dents connectée, le géant industriel Porter & Gamble, qui allait annoncer, lui aussi, le lancement de ce même dispositif, accuse la startup de n’être pas aussi avancée qu’elle veut bien le dire et décide de se dresser contre elle. 

Baracoda, bien que plus agile et plus avancée, n’en reste pas moins plus petit et surtout moins confortable financièrement que le géant industriel. Les 3 associés cherchent la solution à ce problème de taille.  

C’est alors que Colgate entre dans l’histoire de la startup. ‘Une histoire d’hommes et de femmes’ qui perdure encore à ce jour2. Un partenariat qui fera exploser les ventes de Baracoda et qui leur donnera même la légitimité d’être le premier objet connecté de santé (et le seul à ce jour) dans les Apple Stores. 

Thomas nous raconte cette histoire avec beaucoup de reconnaissance pour les personnes avec qui il travaille et qui ont fait de ce projet ce qu’il est aujourd’hui. Il parle de mariage, de partage de valeurs. Il nous confie que la force de ce partenariat réside notamment dans la capacité à avoir et à continuer à faire vivre une équipe de R&D très forte, en France. 

 

Créer la salle de bain connectée 

Avec 30% de son CA dédié à la R&D, Baracoda a su devenir la startup de référence en termes d’objets connectés, au service de la santé des utilisateurs. Le point commun à tous ces objets ? Ils se trouvent tous dans la salle de bain. 

Le constat initial est que nous passons tous, quotidiennement, un certain temps dans notre salle de bain. C’est un lieu où nous prenons globalement soin de nous, c’est donc l’endroit idéal pour développer des outils, des dispositifs qui permettent de prendre soin de notre santé, de notre bien-être. En revanche, cet espace est généralement GAFAM free, on ne souhaite pas avoir à partager des moments d’intimité via notre smartphone ou un autre dispositif, qui pourraient être détournés à notre insu. 

Baracoda a donc décidé de sa stratégie en ce sens : ne rien changer aux habitudes des utilisateurs, tout en prenant soin d’eux. C’est comme cela que sont nés les dispositifs BMiror et Bbalance, la balance connectée intégrée au tapis de bain, qui permet à la fois de suivre l’évolution de l’IMC de toute la famille et de mesurer l’équilibre (dos, hanches,…) des utilisateurs.  

La startup Bbalance, en charge du développement de ce tapis de bain est d’ailleurs accélérée au sein de Future4care. Thomas nous confie que malgré ses années d’expériences, à côtoyer les experts les plus compétents, les entreprises les plus prestigieuses, des initiatives comme Future4care sont nécessaires. Elles permettent des rencontres, d’apprendre de nouvelles choses sur l’évolution du marché, des normes, tous ces points essentiels pour améliorer les technologies et les projets. 

Baracoda enchaîne les réussites ainsi que les prix, notamment au CES de Las Vegas.  

Quand nous demandons à Thomas comment il en est arrivé là, il nous parle organisation. 

En effet, Baracoda n’est pas seulement une startup, c’est aussi un bureau d’étude, Bracoda solution, qui est à l’origine des idées. C’est aussi Baracoda tech, une plateforme commune à tous les objets connectés, pour suivre de très près leur fonctionnement. Connaître ce qui fonctionne ou ce qui ne fonctionne pas. C’est aussi une grosse connaissance des réglementations, RGPD par exemple, mais aussi des marchés, Chinois et Américain. Enfin, c’est avant tout une aventure humaine, et ça Thomas n’a de cesse de nous le répéter. Ce qui compte avant tout pour lui c’est la volonté de transmettre et de voir des employés devenir des experts et innover à leur tour. Il nous confie que lui aussi apprend, toujours, que l’humilité doit faire partie de l’entreprenariat, sans quoi il n’y aurait pas d’innovation. 

C’est d’ailleurs parce qu’ils ont créé leur brosse à dents connectée que des géants industriels sont venus à eux pour leur demander de développer d’autres produits, d’autres objets. Preuve que même les plus grands ont besoin de plus petites structures et que ces mêmes structures peuvent aussi grandir grâce à ces collaborations. 

D’ailleurs, si Thomas devait être députés un jour, il ferait voter le ‘small business act’, qui consisterait à obliger les grandes entreprises à acheter aux plus petites. 

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A travers cette tribune et ce podcast, nous souhaitons partager avec vous la vie et le parcours d’un entrepreneur, en quête perpétuelle d’innovation, de disruption, mais qui a pour autant aussi fait partie d’un monde très corporate et processé, qui lui a finalement apporté beaucoup à sa vie d’entrepreneur. 

Thomas ne nous dévoile pas les prochains projets en cours, mais il nous garantit que nous ne serons pas déçus. Alors rendez-vous au CES de Las Vegas en janvier 2023 pour connaître la suite de la formidable aventure Baracoda, qui ne semble avoir aucune limite. 

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