La donnée, clé de voûte de la e-santé !

Laurent Frigara, co-fondateur d'Enovacom, nous présente sa vision et ses conseils pour tirer pleinement parti de la donnée numérique dans le monde de la santé.

Publié le 25 novembre 2021 à 09h17

La donnée, clé de voûte de la e-santé ! 

C’est un fait incontestable. L’exploitation des gisements de données de santé va révolutionner la façon dont nous prenons en charge les patients. C’est la base de la médecine numérique appelée « des 5P », plus personnalisée, préventive, prédictive, participative, et de preuve.  

Plutôt que d’argumenter sur le potentiel, que vous avez tous déjà clairement identifié, l’idée ici est de comprendre comment passer de l’intuition à l’action. Pour ce faire, nous avons échangé avec un spécialiste du sujet.  

Laurent Frigara, co-fondateur d’Enovacom, leader français de l’interopérabilité médicale et soutien de la première heure du développement de Future4care. 

En charge du pôle santé d’Orange Business Services, Enovacom compte aujourd’hui plus de 250 experts engagés dans la santé. 

Il nous parle, dans les lignes qui suivent, de culture du partage, d’interopérabilité et de méthodologie. 

Un peu de contexte 

Aujourd’hui, le professionnel de santé attend la bonne donnée au bon moment, pour le bon patient. C’est sur ce fondement que résulte toute la chaîne de décision médicale. Que ce soient des résultats d’examens, des constantes vitales issues d’appareils biomédicaux et capteurs,  de l’historique des prescriptions ou encore d’épisodes de santé, le partage de ces informations est essentiel. Ce partage assure une meilleure prise en charge du patient et une meilleure coordination des soins, tout en évitant la redondance d’examens déjà réalisés.   

L’enjeu est aussi d’exploiter les données de santé de manière consolidée et en très grande quantité. Par exemple, l’utilisation des données de grandes cohortes de patients, ayant des caractéristiques communes, nous ouvre des perspectives intéressantes et des avancées prometteuses pour les soins de santé et la recherche médicale. Nous sommes en mesure de détecter au plus tôt l’émergence de certaines maladies, d’accélérer les diagnostics, et d’évaluer avec plus de précisions les effets d’un traitement médical. 

La donnée est aussi la matière première pour l’apprentissage des IA. La qualité et la performance d’une IA est directement liée à la quantité et la qualité des données utilisées.  

A l’échelle d’un établissement, la bonne exploitation des données issues de son SI lui permet d’optimiser son fonctionnement, et ainsi d’améliorer la prise en charge en adaptant les processus grâce à des éléments concrets.  

Proportionnellement, au niveau d’un territoire, la consolidation de données est davantage  importante. Elle permet d’adapter la politique de santé, ou encore, comme nous avons pu le voir pendant la crise sanitaire, de lutter efficacement contre une pandémie.  

Parallèlement, nul ne nie que les données de santé sont aussi convoitées pour des desseins moins vertueux. Elles sont tellement précises et personnelles qu'elles peuvent, par exemple, facilement permettre l'usurpation d'identité. Elles s’échangent à prix d’or sur le dark web, ou peuvent aussi être utilisées contre des structures de santé pour obtenir le paiement de rançons.  

Partant de ce constat, nous avons voulu vous partager, cinq enseignements incontournables pour réussir la transformation numérique de son entreprise, institution ou autres structures de soins, avec au cœur une stratégie de données efficace, fiable et au service du soin. 

N°1 Faire avec les contraintes du marché 

Plus qu’ailleurs, le secteur de la santé fait face à des contraintes multiples, que ce soit d’un point de vue organisationnel, réglementaire ou économique. Les établissements de santé qui produisent et gèrent une grande quantité de données n’ont aujourd’hui pas des systèmes d’informations adaptés et leur mutation s’opère lentement. La plupart sont, en effet, composés de plusieurs couches applicatives de génération différentes, d’il y a dix, quinze, voire vingt ans. Dans ces conditions, le partage des données est beaucoup plus difficile.  

Historiquement, le médecin français a rarement été enclin à partager les informations de ses patients. Cette culture de la donnée sensible, anonyme et exclusive enferme des données exploitables dans des silos d’information qui ne sont pas un terrain propice à l’échange et au partage.   

De plus, c’est le patient qui est propriétaire de ses données. Lorsqu’il donne son consentement pour une exploitation de ses informations personnelles, il le donne dans un certain cadre d’utilisation, ce qui parfois peut freiner l’utilisation ou la consolidation de bases existantes.   

Pour y remédier, il faut donc que les acteurs de la santé travaillent sur les systèmes d’information, pour les rendre interopérables, normés, en s’appuyant sur des référentiels communs. Pour assurer une exploitation optimale des données de santé, il faut s’assurer qu’elles soient bien collectées, structurées et suffisamment qualitatives. Il est aussi nécessaire d’adapter les process qui intègrent le consentement du patient, afin d’obtenir une vision claire sur la provenance des données et comment elles vont être utilisées.  

N°2 Apprendre à se structurer et à communiquer 

Il faut créer les conditions optimales à ces échanges, que ce soit la sécurité, la confiance, ou la capacité à partager des référentiels pour mieux se comprendre. Il est donc nécessaire de mettre en place un socle technique, normalisé, commun, compris, intégré et partagé à et par tous les acteurs. Enovacom œuvre dans ce domaine depuis 20 ans, et c’est aussi l’une des missions de l’Agence Nationale de Santé, qui à travers les aides financières du Ségur de la Santé accélère cette harmonisation. Cet élan régalien volontariste est une opportunité, pour que les systèmes d’informations de l’intégralité des structures de santé s’appuient sur les mêmes référentiels.  

Les solutions numériques des différents acteurs doivent communiquer entre elles, si ce n’est de façon native, grâce à des services dédiés complémentaires. Ce qui leur permettra en outre d’exploiter les données structurées, contenues dans les documents de santé, pour offrir aux utilisateurs encore plus de pertinence.  

Or, les éditeurs historiques de l’écosystème ne rendent pas facilement accessibles leurs bases de données souvent propriétaires. Des services d’interopérabilité, sur site ou dans le cloud, en se positionnant de manière agnostique permettent de casser ces silos.  

Pour l’évolution de leur SI, les établissements doivent dès à présent s'assurer que les futurs appareils, applications, logiciels de santé soient par nature interopérables et permettent d’exploiter les données qu’ils produisent. C’est-à-dire que les données de santé, que vont générer ces nouveaux éléments de l’écosystème santé, doivent être stockées dans des entrepôts de données structurés, qui s’appuient sur des référentiels communs. Tout le monde doit parler le même langage pour valoriser et exploiter les données récoltées.  

N°3 Faire preuve de méthodologie 

Savoir jongler avec les contraintes du marché et initier une démarche ouverte ne suffisent malheureusement pas. Il faut prendre beaucoup de précautions à toutes les étapes du voyage de la donnée pour éviter que celle-ci ne perde de sa valeur. Si une seule des étapes est mal réalisée, la donnée n’est plus qualifiée et donc inutilisable. Il faut donc être méticuleux, depuis la saisie dans le logiciel de production de soins, ou de l’échantillonnage des données vitales issues des appareils biomédicaux, jusqu’au stockage dans une base de données adaptée.  

Cela passe donc par la mise à disposition des soignants de logiciels ergonomiques et nativement conçus pour conserver une donnée qui sera exploitable. La formation aux outils est aussi impérative pour s’assurer de la qualité des informations saisies.  

Au-delà de la syntaxe des données qui doit être normalisée pour le partage et la consolidation, il est important aussi de travailler sur l’aspect sémantique. Dans le premier cas, cela concerne la définition du message : la nature, le type, le format pour que cela soit compris par tous. 

La sémantique concerne le contenu médical de ces données et demande de partager des référentiels d’interopérabilité sémantique.  

La « Systematized Nomenclature of Medicine - Clinical Terms » (SNOMED CT) apparaît comme  une  terminologie  clé  pour  répondre  à  ces  enjeux.  Il  s’agit  d’une  terminologie descriptive  internationale  qui  couvre  le  plus  large  éventail  de  spécialités  cliniques  et  de  besoins opérationnels.  Elle permet de  standardiser  la  capture,  la  classification  et  le  partage  de  n’importe quelle information clinique par les professionnels de santé.  

Des outils de contrôle qualité de la donnée existent aussi, afin d’assurer que les données échangées respectent ces différents standards et référentiels. À l’image du travail que réalise Enovacom dans le projet SI-DEP où ses solutions analysent et contrôlent la structure et la sémantique des données transmises par les laboratoires d’analyses.  

N°4 Généraliser l’interopérabilité 

On ne peut pas parler de santé numérique, sans s’attarder sur la question de l’interopérabilité. Elle concerne la capacité qu’ont les différents systèmes, applications ou services numériques de communiquer ensemble et d’interagir. Elle permet notamment de partager les informations du patient tout au long de son parcours. L’interopérabilité facilite aussi l’intégration de solutions ou services innovants dans un établissement ou un écosystème existant. Au final, cela permet de sécuriser le processus de soins, simplifier les démarches pour le patient, améliorer la pertinence des décisions médicales ou encore d’assurer une prévention plus efficace, etc. 

Les nombreuses solutions numériques utilisées par les professionnels de santé doivent être,non seulement interopérables entre elles, mais aussi avec les services régaliens tels que le Dossier Médical Personnel, l’Espace numérique de Santé, les plateformes régionales, ou encore les entrepôts de données tels que Health Data Hub.   

Pour l’exploitation des gisements de données de santé, l’interopérabilité est aussi un facteur clé. Elle permet l’extraction ou la consolidation de ces données depuis les systèmes existants pour alimenter les entrepôts, ainsi que le partage des référentiels pour s’assurer que tout le monde parle bien le même langage.  

N°5 La donnée au cœur du modèle proposé par Future4care 

Il est important que les acteurs de l’écosystème se fassent accompagner par des spécialistes pour collecter, stocker et exploiter la donnée de santé.   

Future4care s’est donné comme ambition d’accompagner les startups pour accélérer la mise sur le marché de leurs solutions innovantes.   

Au-delà de la mise à disposition de données exclusives et qualifiées, Future4care accompagne ces jeunes pousses européennes tout au long du cycle de vie de leur solution. Nous leur proposons de se concentrer sur leur valeur ajoutée première ou sur leur différentiateur, car elles n’ont souvent pas beaucoup de temps pour percer et la concurrence est rude. Grâce à Future4care, elles peuvent s’appuyer sur les meilleurs experts pour tous les sujets liés aux infrastructures, la sécurité, la réglementation ou sur les outils d’exploitation de la donnée. Ses adhérents, à commencer par trois de ces historiques Orange, Sanofi et Generali, proposeront leurs propres compétences, mais d’autres experts seront amenés à intervenir sur le sujet.  

Future4care pourra par ailleurs accompagner les startups dans le développement de leurs solutions, pour qu’elles s’appuient sur des standards et des infrastructures qui les rendront pérennes. Nous faciliterons aussi l’intégration de leurs applications ou services dans l’écosystème existant grâce à l’expertise en interopérabilité de nos membres.   

Enfin, nous accompagnons les startups dans l’utilisation des données mises à leur disposition par Orange, Sanofi, Generali, Capgemini et nos prochains adhérents. Cela pour garantir une exploitation optimale, mais aussi pour s’assurer qu’elles le font dans le respect du droit du patient et de l’éthique.  

Vous êtes une startup et souhaitez bénéficiez de cet accompagnement ? Vous êtes un grand groupe et adhérez à notre vision ? Enfin, vous êtes un centre de soin, une association de patients ou un académique et souhaitez innover à nos côtés ? Ecrivez-nous en réponse à cet email et prenons le temps d’échanger.